Un nouveau site internet !
Un beau jour au croisement de l’Histoire avec un grand H et de celle avec un petit h, je rencontre Clément… qui me dit et m’écrit :
« (…) nous avons un ennemi commun : Maurice Papon. Ennemi commun d’abord parce qu’ennemi de l’Humanité, mais de mon côté aussi pour une raison plus familiale qu’universelle ; comme tu le sais la capacité de nuisance de M.P. n’a pas disparu avec la France de Vichy et au début de la guerre d’Algérie, alors qu’il était préfet dans le Constantinois, il a tenté de calmer les ardeurs révolutionnaires arabes en laissant sans défense les biens des Juifs… levant en février 1956 la protection de notre ferme de Tidmit, il la condamna à une destruction certaine.
En PJ tu trouveras une photo datant de quelques mois avant que nos biens ne partent en fumée, alors que quelques gendarmes profitaient de la table que mon arrière-grand-père, Raymond Elbaz, avait aménagé sur un sophora.
Presque 30 ans après ce cliché et quelques jours seulement après que le vieux M.P soit inculpé, grâce à toi, de crime contre l’humanité, l’aïeul bricoleur a envoyé cette lettre à son fils mon grand-père :
Ces phrases ont été écrites le 8 février 1983. Je n’étais pas encore né mais 40 ans après, je compte bien honorer cette demande qui engage plus qu’une génération : je te propose donc de venir capter (gratuitement bien sûr) l’une de tes conférences du mois de janvier. (…) »
Depuis nous œuvrons ensemble. Comme je le dis souvent, j’ai le fond et du matériel. Et je ne fatigue pas. Un de mes amis me dit en me voyant « Tiens voilà notre Sisyphe ». Clément Elbaz a le sens de la forme, il a la jeunesse et sait exprimer par des images et des clics mieux que quiconque ce que je veux dire. Merci et bravo à toi, Clément, pour la confection de ce nouveau site.
Le mot du webmestre
Avec M. Matisson nous sommes avant tout universalistes et laïques, et c’est d’ailleurs dans une association universaliste et laïque que nous nous sommes rencontrés. Mais qu’on le veuille ou non nos origines nous sont régulièrement rappelées – que ce soit par les échos du passé ou les bruits de l’actualité. Par le hasard aussi et ainsi, alors que je venais d’apprendre le rôle de Jean-Marie dans le procès Papon, je suis retombé, en classant mes archives familiales, sur cette vieille lettre où une phrase résonne en particulier :
J’aimerais que tu n’oublies jamais de maudire, au même titre que le malheureux Aman de l’histoire d’Esther, en chaque occasion qu’il te sera donné, le nom de Papon.
Mon arrière-grand-père ne fut pas déporté – ce n’était plus à la mode de l’époque où Papon était préfet dans les Aurès. Mais alors il restait possible d’utiliser les Juifs comme variable diplomatique et ainsi, notre ferme familiale fut livrée aux feux des fellagah… une politique aussi mesquine qu’inutile puisque six ans plus tard, les algériens gagnaient leur indépendance.
Avec les incendiaires, les comptes furent soldés. Mais quelques semaines avant la fin de l’Algérie française mon ancêtre Hanoun, propriétaire de Tidmit et père de Raymond, mourrait sans avoir pu se venger de Papon… et même si, depuis, le temps est passé, il m’est bien désagréable de considérer que ma famille a été victime d’un petit bourreau de bureau. Surtout en sachant que chez les Elbaz, comme chez les Matisson, on ne s’est jamais laissé faire ; dix ans avant que le grand-père letton de Jean-Marie ne coupe les jarrets des chevaux des cosaques, Hanoun Elbaz dressait, avec succès, un barrage routier pour empêcher l’antisémite Max Régis de tenir meeting dans sa ville de Khenchela.
Dans le Far Oued algérien des années 1900, on faisait face. Mais en 1962 il a fallut s’exiler et les Elbaz ont peu à peu oublié l’affaire de la ferme brûlée. Puis en 2007 Papon est mort et l’occasion de se venger directement de ses méfaits s’est définitivement envolée. Il aura donc fallut attendre 2024 pour que le hasard des rencontres offre à un descendant de Raymond la possibilité de respecter sa demande, et de maudire le nom de Papon par une alliance avec Jean-Marie Matisson qui, avec huit membres de sa famille exterminés, a autant de raisons d’en vouloir à ce misérable et à sa main toujours lointaine et qui, toujours cachée derrière l’officialité, a condamné avec eux 1589 Juifs bordelais.
Certaines époques et certaines administrations laissent les plus nuisibles s’épanouir et nuire, c’est ainsi. Mais le temps long de l’histoire permet parfois de rattraper les criminels et de les condamner ; ce fut le cas pour Papon, grâce aux Matisson qui initièrent un procès qui servira de mise en garde à tous ceux qui voudraient imiter le bourreau bordelais. Rappeler le passé, c’est donc aussi préserver l’avenir et au delà d’une simple vengeance, voilà pourquoi j’aide un peu l’infatigable Jean-Marie à transmettre l’histoire de la Shoah bordelaise. Non sur le fond mais sur la forme, tant il me semblait que la justesse de son combat méritait une meilleure vitrine. Même s’il est vrai que…
L’esthétique est l’ennemie de l’éthique.
G. Elbaz
Voilà une phrase qu’aime à répéter mon grand-oncle, petit-fils de Hanoun et fils de Raymond. Et il a raison, car ils sont nombreux ceux qui ont épousé une cause parce qu’ils trouvaient que son uniforme leur allait bien. Papon, le premier, devait se trouver élégant sous sa casquette de préfet… mais en gardant l’ascendant du fond sur la forme, et en privilégiant la justesse des principes à la coupe de l’uniforme, l’esthétique peut aussi être mise au service de l’éthique – autant donc ne pas s’en priver surtout qu’en l’occurrence, l’apparence peut être vectrice de sens.
Retouche symbolique
Deux symboles se cachent dans le webdesign de ce site, et ils sont assez discrets pour que j’ai l’impression de devoir les souligner.
Le premier se trouve dans le favicon – l’image à gauche de l’onglet. Il s’agit du mot hébreu Haï-הי, vie, partie de l’expression Am Israël Haï-עַם יִשְׂרָאֵל חַי, les Juifs vivent. Placé tout en haut du site, loin au dessus du nom de Papon, il sert d’avertissement à tous les autres antisémites : nous vivons, et nous leurs survivrons.
Le second symbole est sur le Header – ce petit rectangle rouge où est noté le nom du site, en haut à gauche de toutes les pages. Presque effacé, le nom de Papon y évoque une vieille malédiction :
יִמַּח שְׁמוֹ-Yimakh shemo.
Que son nom s’éfface.
Dans le livre des psaumes cette phrase est dirigée contre le malheureux Aman, qui fut il y a 2500 ans le premier sociopathe à vouloir exterminer le peuple Juif… et voilà qui est paradoxal puisqu’au final, c’est grâce au Livre sacré des Juifs que l’on retient ce nom pourtant condamné à être effacé. Mais Aman n’est pas immortalisé pour qui il était ; il n’est plus que l’archétype de l’antisémite et son nom, maudit, est détaché de sa personne pour devenir un simple synonyme d’ennemi.
Il en sera de même pour Papon, énième incarnation d’Aman qui d’ailleurs, comme le premier, a échoué. Et sans même être des pires car dans le genre administratif, Eichman et Bousquet l’ont largement dépassé, prouvant que même dans l’horreur le pauvre Maurice P. n’est pas parvenu à se distinguer.
Mes cousins métropolitains qui furent déportés à Auschwitz l’ont d’ailleurs été par d’autres que lui, comme la grande majorité des victimes françaises de la Shoah. Alors, plus encore que de poser sur l’ennemi commun le diagnostic de banalité du mal, on peut finalement se dire qu’il ne s’agit que d’un méchant banal, un collabo parmi d’autres qui ne se distingue que parce qu’il a été finalement attrapé, jugé et condamné.
Trop peu, trop tard, mais grâce à la pugnacité des Matisson qui seront de leur côté cités comme des exemples, et dont on se souviendra pour qui ils ont été. Ce n’est pas pour rien que la dernière fois que Jean-Marie a parlé de donner le nom de Samuel Paty à des rues ou des écoles, on lui a dit : « Ce n’est pas que le nom de Samuel Paty qu’il faut leur donner, mais aussi le tien »…
N’étant pas maire je me contenterai donc, en plus de cette conférence filmée en janvier 2024, en plus de la rénovation de ce site, de réaliser un documentaire sur le rôle des Matisson dans le procès Papon. Pour eux, pour respecter le vœu de mon arrière-grand-père, mais aussi et surtout pour tout ce que leur combat judicaire a d’exemplaire.
Rappel de l'Universel
L’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde ayant été coupable de crimes contre l’Humanité, sa damnatio memoriae est l’affaire de toutes et tous, mais j’y prends ma part pour des raisons familiales… la preuve s’il en fallait qu’un combat universaliste peut aussi passer par des vengeances personnelles. Et c’est pour rétablir la balance que dans ses conférences, Jean-Marie conclut toujours sur la nécessité d’un antiracisme total, soulignant que la particularité de nos malheurs ne doit pas nous fermer à l’Universel, et que notre colère ne doit être dirigée que contre les criminels – jamais vers le groupe humain auquel ils appartenaient.
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.
M. Manouchian.
Attention donc à ne pas laisser déborder sur quiconque le mépris dans lequel ont tient nos ennemis. Et c’est pourquoi je terminerai cet article en me rappelant que Papon ne fut pas nuisible qu’aux Juifs ; les dizaines de manifestants algériens tués alors qu’il était préfet de Paris en sont témoins – malgré la responsabilité du mouvement historique qu’ils suivaient dans la perte de nos biens, avec leurs familles aussi, nous avons un ennemi commun.
Au même titre que le malheureux Aman le nom de Papon est maudit. Sa personne est effacée et aujourd’hui les Juifs vivent et se battent, l’Algérie est indépendante et fait ce qu’elle a à faire. Le criminel bordelais a échoué dans ses ignobles tâches et dans ses vieux jours, il le savait. Pour masquer ses échecs, sa dernière et pathétique action fut de se faire enterrer avec une Légion d’Honneur qui lui avait pourtant été retirée… mais l’histoire n’a que faire des validations et des procédures d’un moment ; elle se joue sur le temps long et pour elle ce mort ne sera jamais plus qu’un perdant, désavoué par la République et méprisé de toutes les personnes de principes. Que nos ennemis les Aman se souviennent bien de cet exemple : nous n’oublions pas, toujours nous les combattrons et toujours, finalement, nous vivrons.
Clément Elbaz
Un nouveau site internet !
Un beau jour au croisement de l’Histoire avec un grand H et de celle avec un petit h, je rencontre Clément… qui me dit et m’écrit :
« (…) nous avons un ennemi commun : Maurice Papon. Ennemi commun d’abord parce qu’ennemi de l’Humanité, mais de mon côté aussi pour une raison plus familiale qu’universelle ; comme tu le sais la capacité de nuisance de M.P. n’a pas disparu avec la France de Vichy et au début de la guerre d’Algérie, alors qu’il était préfet dans le Constantinois, il a tenté de calmer les ardeurs révolutionnaires arabes en laissant sans défense les biens des Juifs… levant en février 1956 la protection de notre ferme de Tidmit, il la condamna à une destruction certaine.
En PJ tu trouveras une photo datant de quelques mois avant que nos biens ne partent en fumée, alors que quelques gendarmes profitaient de la table que mon arrière-grand-père, Raymond Elbaz, avait aménagé sur un sophora.
Presque 30 ans après ce cliché et quelques jours seulement après que le vieux M.P soit inculpé, grâce à toi, de crime contre l’humanité, l’aïeul bricoleur a envoyé cette lettre à son fils mon grand-père :
Ces phrases ont été écrites le 8 février 1983. Je n’étais pas encore né mais 40 ans après, je compte bien honorer cette demande qui engage plus qu’une génération : je te propose donc de venir capter (gratuitement bien sûr) l’une de tes conférences du mois de janvier. (…) »
Depuis nous œuvrons ensemble. Comme je le dis souvent, j’ai le fond et du matériel. Et je ne fatigue pas. Un de mes amis me dit en me voyant « Tiens voilà notre Sisyphe ». Clément Elbaz a le sens de la forme, il a la jeunesse et sait exprimer par des images et des clics mieux que quiconque ce que je veux dire. Merci et bravo à toi, Clément, pour la confection de ce nouveau site.
Le mot du webmestre
Avec M. Matisson nous sommes avant tout universalistes et laïques, et c’est d’ailleurs dans une association universaliste et laïque que nous nous sommes rencontrés. Mais qu’on le veuille ou non nos origines nous sont régulièrement rappelées – que ce soit par les échos du passé ou les bruits de l’actualité. Par le hasard aussi et ainsi, alors que je venais d’apprendre le rôle de Jean-Marie dans le procès Papon, je suis retombé, en classant mes archives familiales, sur cette vieille lettre où une phrase résonne en particulier :
J’aimerais que tu n’oublies jamais de maudire, au même titre que le malheureux Aman de l’histoire d’Esther, en chaque occasion qu’il te sera donné, le nom de Papon.
Mon arrière-grand-père ne fut pas déporté – ce n’était plus à la mode de l’époque où Papon était préfet dans les Aurès. Mais alors il restait possible d’utiliser les Juifs comme variable diplomatique et ainsi, notre ferme familiale fut livrée aux feux des fellagah… une politique aussi mesquine qu’inutile puisque six ans plus tard, les algériens gagnaient leur indépendance.
Avec les incendiaires, les comptes furent soldés. Mais quelques semaines avant la fin de l’Algérie française mon ancêtre Hanoun, propriétaire de Tidmit et père de Raymond, mourrait sans avoir pu se venger de Papon…
…et même si, depuis, le temps est passé, il m’est bien désagréable de considérer que ma famille a été victime d’un petit bourreau de bureau. Surtout en sachant que chez les Elbaz, comme chez les Matisson, on ne s’est jamais laissé faire ; dix ans avant que le grand-père letton de Jean-Marie ne coupe les jarrets des chevaux des cosaques, Hanoun Elbaz dressait, avec succès, un barrage routier pour empêcher l’antisémite Max Régis de tenir meeting dans sa ville de Khenchela.
Dans le Far Oued algérien des années 1900, on faisait face. Mais en 1962 il a fallut s’exiler et les Elbaz ont peu à peu oublié l’affaire de la ferme brûlée. Puis en 2007 Papon est mort et l’occasion de se venger directement de ses méfaits s’est définitivement envolée. Il aura donc fallut attendre 2024 pour que le hasard des rencontres offre à un descendant de Raymond la possibilité de respecter sa demande, et de maudire le nom de Papon par une alliance avec Jean-Marie Matisson qui, avec huit membres de sa famille exterminés, a autant de raisons d’en vouloir à ce misérable et à sa main toujours lointaine et qui, toujours cachée derrière l’officialité, a condamné avec eux 1589 Juifs bordelais.
Certaines époques et certaines administrations laissent les plus nuisibles s’épanouir et nuire, c’est ainsi. Mais le temps long de l’histoire permet parfois de rattraper les criminels et de les condamner ; ce fut le cas pour Papon, grâce aux Matisson qui initièrent un procès qui servira de mise en garde à tous ceux qui voudraient imiter le bourreau bordelais. Rappeler le passé, c’est donc aussi préserver l’avenir et au delà d’une simple vengeance, voilà pourquoi j’aide un peu l’infatigable Jean-Marie à transmettre l’histoire de la Shoah bordelaise. Non sur le fond mais sur la forme, tant il me semblait que la justesse de son combat méritait une meilleure vitrine. Même s’il est vrai que…
L’esthétique est l’ennemie de l’éthique.
G. Elbaz
Voilà une phrase qu’aime à répéter mon grand-oncle, petit-fils de Hanoun et fils de Raymond. Et il a raison, car ils sont nombreux ceux qui ont épousé une cause parce qu’ils trouvaient que son uniforme leur allait bien. Papon, le premier, devait se trouver élégant sous sa casquette de préfet… mais en gardant l’ascendant du fond sur la forme, et en privilégiant la justesse des principes à la coupe de l’uniforme, l’esthétique peut aussi être mise au service de l’éthique – autant donc ne pas s’en priver surtout qu’en l’occurrence, l’apparence peut être vectrice de sens.
Retouche symbolique
Deux symboles se cachent dans le webdesign de ce site, et ils sont assez discrets pour que j’ai l’impression de devoir les souligner.
Le premier se trouve dans le favicon – l’image à gauche de l’onglet. Il s’agit du mot hébreu Haï-הי, vie, partie de l’expression Am Israël Haï-עַם יִשְׂרָאֵל חַי, les Juifs vivent. Placé tout en haut du site, loin au dessus du nom de Papon, il sert d’avertissement à tous les autres antisémites : nous vivons, et nous leurs survivrons.
Le second symbole est sur le Header – ce petit rectangle rouge où est noté le nom du site, en haut à gauche de toutes les pages. Presque effacé, le nom de Papon y évoque une vieille malédiction :
יִמַּח שְׁמוֹ-Yimakh shemo.
Que son nom s’éfface.
Dans le livre des psaumes cette phrase est dirigée contre le malheureux Aman, qui fut il y a 2500 ans le premier sociopathe à vouloir exterminer le peuple Juif… et voilà qui est paradoxal puisqu’au final, c’est grâce au Livre sacré des Juifs que l’on retient ce nom pourtant condamné à être effacé. Mais Aman n’est pas immortalisé pour qui il était ; il n’est plus que l’archétype de l’antisémite et son nom, maudit, est détaché de sa personne pour devenir un simple synonyme d’ennemi.
Il en sera de même pour Papon, énième incarnation d’Aman qui d’ailleurs, comme le premier, a échoué. Et sans même être des pires car dans le genre administratif, Eichman et Bousquet l’ont largement dépassé, prouvant que même dans l’horreur le pauvre Maurice P. n’est pas parvenu à se distinguer.
Mes cousins métropolitains qui furent déportés à Auschwitz l’ont d’ailleurs été par d’autres que lui, comme la grande majorité des victimes françaises de la Shoah. Alors, plus encore que de poser sur l’ennemi commun le diagnostic de banalité du mal, on peut finalement se dire qu’il ne s’agit que d’un méchant banal, un collabo parmi d’autres qui ne se distingue que parce qu’il a été finalement attrapé, jugé et condamné. Trop peu, trop tard, mais grâce à la pugnacité des Matisson qui seront de leur côté cités comme des exemples, et dont on se souviendra pour qui ils ont été.
Ce n’est pas pour rien que la dernière fois que Jean-Marie a parlé de donner le nom de Samuel Paty à des rues ou des écoles, on lui a dit : « Ce n’est pas que le nom de Samuel Paty qu’il faut leur donner, mais aussi le tien »… n’étant pas maire je me contenterai donc, en plus de cette conférence filmée en janvier 2024, en plus de la rénovation de ce site, de réaliser un documentaire sur le rôle des Matisson dans le procès Papon. Pour eux, pour respecter le vœu de mon arrière-grand-père, mais aussi et surtout pour tout ce que leur combat judicaire a d’exemplaire.
Rappel de l'Universel
L’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde ayant été coupable de crimes contre l’Humanité, sa damnatio memoriae est l’affaire de toutes et tous, mais j’y prends ma part pour des raisons familiales… la preuve s’il en fallait qu’un combat universaliste peut aussi passer par des vengeances personnelles. Et c’est pour rétablir la balance que dans ses conférences, Jean-Marie conclut toujours sur la nécessité d’un antiracisme total, soulignant que la particularité de nos malheurs ne doit pas nous fermer à l’Universel, et que notre colère ne doit être dirigée que contre les criminels – jamais vers le groupe humain auquel ils appartenaient.
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.
M. Manouchian.
Attention donc à ne pas laisser déborder sur quiconque le mépris dans lequel ont tient nos ennemis. Et c’est pourquoi je terminerai cet article en me rappelant que Papon ne fut pas nuisible qu’aux Juifs ; les dizaines de manifestants algériens tués alors qu’il était préfet de Paris en sont témoins – malgré la responsabilité du mouvement historique qu’ils suivaient dans la perte de nos biens, avec leurs familles aussi, nous avons un ennemi commun.
Au même titre que le malheureux Aman le nom de Papon est maudit. Sa personne est effacée et aujourd’hui les Juifs vivent et se battent, l’Algérie est indépendante et fait ce qu’elle a à faire. Le criminel bordelais a échoué dans ses ignobles tâches et dans ses vieux jours, il le savait. Pour masquer ses échecs, sa dernière et pathétique action fut de se faire enterrer avec une Légion d’Honneur qui lui avait pourtant été retirée… mais l’histoire n’a que faire des validations et des procédures d’un moment ; elle se joue sur le temps long et pour elle ce mort ne sera jamais plus qu’un perdant, désavoué par la République et méprisé de toutes les personnes de principes. Que nos ennemis les Aman se souviennent bien de cet exemple : nous n’oublions pas, toujours nous les combattrons et toujours, finalement, nous vivrons.
Clément Elbaz
Un nouveau site internet !
Un beau jour au croisement de l’Histoire avec un grand H et de celle avec un petit h, je rencontre Clément… qui me dit et m’écrit :
« (…) nous avons un ennemi commun : Maurice Papon. Ennemi commun d’abord parce qu’ennemi de l’Humanité, mais de mon côté aussi pour une raison plus familiale qu’universelle ; comme tu le sais la capacité de nuisance de M.P. n’a pas disparu avec la France de Vichy et au début de la guerre d’Algérie, alors qu’il était préfet dans le Constantinois, il a tenté de calmer les ardeurs révolutionnaires arabes en laissant sans défense les biens des Juifs… levant en février 1956 la protection de notre ferme de Tidmit, il la condamna à une destruction certaine.
En PJ tu trouveras une photo datant de quelques mois avant que nos biens ne partent en fumée, alors que quelques gendarmes profitaient de la table que mon arrière-grand-père, Raymond Elbaz, avait aménagé sur un sophora.
Presque 30 ans après ce cliché et quelques jours seulement après que le vieux M.P soit inculpé, grâce à toi, de crime contre l’humanité, l’aïeul bricoleur a envoyé cette lettre à son fils mon grand-père : »
Ces phrases ont été écrites le 8 février 1983. Je n’étais pas encore né mais 40 ans après, je compte bien honorer cette demande qui engage plus qu’une génération : je te propose donc de venir capter (gratuitement bien sûr) l’une de tes conférences du mois de janvier. (…) »
Depuis nous œuvrons ensemble. Comme je le dis souvent, j’ai le fond et du matériel. Et je ne fatigue pas. Un de mes amis me dit en me voyant « Tiens voilà notre Sisyphe ». Clément Elbaz a le sens de la forme, il a la jeunesse et sait exprimer par des images et des clics mieux que quiconque ce que je veux dire. Merci et bravo à toi, Clément, pour la confection de ce nouveau site.
Le mot du webmestre
Avec M. Matisson nous sommes avant tout universalistes et laïques, et c’est d’ailleurs dans une association universaliste et laïque que nous nous sommes rencontrés. Mais qu’on le veuille ou non nos origines nous sont régulièrement rappelées – que ce soit par les échos du passé ou les bruits de l’actualité. Par le hasard aussi et ainsi, alors que je venais d’apprendre le rôle de Jean-Marie dans le procès Papon, je suis retombé, en classant mes archives familiales, sur cette vieille lettre où une phrase résonne en particulier :
J’aimerais que tu n’oublies jamais de maudire, au même titre que le malheureux Aman de l’histoire d’Esther, en chaque occasion qu’il te sera donné, le nom de Papon.
Mon arrière-grand-père ne fut pas déporté – ce n’était plus à la mode de l’époque où Papon était préfet dans les Aurès. Mais alors il restait possible d’utiliser les Juifs comme variable diplomatique et ainsi, notre ferme familiale fut livrée aux feux des fellagah… une politique aussi mesquine qu’inutile puisque six ans plus tard, les algériens gagnaient leur indépendance.
Avec les incendiaires, les comptes furent soldés. Mais quelques semaines avant la fin de l’Algérie française mon ancêtre Hanoun, propriétaire de Tidmit et père de Raymond, mourrait sans avoir pu se venger de Papon… et même si, depuis, le temps est passé, il m’est bien désagréable de considérer que ma famille a été victime d’un petit bourreau de bureau. Surtout en sachant que chez les Elbaz, comme chez les Matisson, on ne s’est jamais laissé faire ; dix ans avant que le grand-père letton de Jean-Marie ne coupe les jarrets des chevaux des cosaques, Hanoun Elbaz dressait, avec succès, un barrage routier pour empêcher l’antisémite Max Régis de tenir meeting dans sa ville de Khenchela.
Dans le Far Oued algérien des années 1900, on faisait face. Mais en 1962 il a fallut s’exiler et les Elbaz ont peu à peu oublié l’affaire de la ferme brûlée. Puis en 2007 Papon est mort et l’occasion de se venger directement de ses méfaits s’est définitivement envolée. Il aura donc fallut attendre 2024 pour que le hasard des rencontres offre à un descendant de Raymond la possibilité de respecter sa demande, et de maudire le nom de Papon par une alliance avec Jean-Marie Matisson qui, avec huit membres de sa famille exterminés, a autant de raisons d’en vouloir à ce misérable et à sa main toujours lointaine et qui, toujours cachée derrière l’officialité, a condamné avec eux 1589 Juifs bordelais.
Certaines époques et certaines administrations laissent les plus nuisibles s’épanouir et nuire, c’est ainsi. Mais le temps long de l’histoire permet parfois de rattraper les criminels et de les condamner ; ce fut le cas pour Papon, grâce aux Matisson qui initièrent un procès qui servira de mise en garde à tous ceux qui voudraient imiter le bourreau bordelais. Rappeler le passé, c’est donc aussi préserver l’avenir et au delà d’une simple vengeance, voilà pourquoi j’aide un peu l’infatigable Jean-Marie à transmettre l’histoire de la Shoah bordelaise. Non sur le fond mais sur la forme, tant il me semblait que la justesse de son combat méritait une meilleure vitrine. Même s’il est vrai que…
L’esthétique est l’ennemie de l’éthique.
G. Elbaz
Voilà une phrase qu’aime à répéter mon grand-oncle, petit-fils de Hanoun et fils de Raymond. Et il a raison, car ils sont nombreux ceux qui ont épousé une cause parce qu’ils trouvaient que son uniforme leur allait bien. Papon, le premier, devait se trouver élégant sous sa casquette de préfet… mais en gardant l’ascendant du fond sur la forme, et en privilégiant la justesse des principes à la coupe de l’uniforme, l’esthétique peut aussi être mise au service de l’éthique – autant donc ne pas s’en priver surtout qu’en l’occurrence, l’apparence peut être vectrice de sens.
Retouche symbolique
Deux symboles se cachent dans le webdesign de ce site, et ils sont assez discrets pour que j’ai l’impression de devoir les souligner.
Le premier se trouve dans le favicon – l’image à gauche de l’onglet. Il s’agit du mot hébreu Haï-הי, vie, partie de l’expression Am Israël Haï-עַם יִשְׂרָאֵל חַי, les Juifs vivent. Placé tout en haut du site, loin au dessus du nom de Papon, il sert d’avertissement à tous les autres antisémites : nous vivons, et nous leurs survivrons.
Le second symbole est sur le Header – ce petit rectangle rouge où est noté le nom du site, en haut à gauche de toutes les pages. Presque effacé, le nom de Papon y évoque une vieille malédiction :
יִמַּח שְׁמוֹ-Yimakh shemo.
Que son nom s’éfface.
Dans le livre des psaumes cette phrase est dirigée contre le malheureux Aman, qui fut il y a 2500 ans le premier sociopathe à vouloir exterminer le peuple Juif… et voilà qui est paradoxal puisqu’au final, c’est grâce au Livre sacré des Juifs que l’on retient ce nom pourtant condamné à être effacé. Mais Aman n’est pas immortalisé pour qui il était ; il n’est plus que l’archétype de l’antisémite et son nom, maudit, est détaché de sa personne pour devenir un simple synonyme d’ennemi.
Il en sera de même pour Papon, énième incarnation d’Aman qui d’ailleurs, comme le premier, a échoué. Et sans même être des pires car dans le genre administratif, Eichman et Bousquet l’ont largement dépassé, prouvant que même dans l’horreur le pauvre Maurice P. n’est pas parvenu à se distinguer.
Mes cousins métropolitains qui furent déportés à Auschwitz l’ont d’ailleurs été par d’autres que lui, comme la grande majorité des victimes françaises de la Shoah. Alors, plus encore que de poser sur l’ennemi commun le diagnostic de banalité du mal, on peut finalement se dire qu’il ne s’agit que d’un méchant banal, un collabo parmi d’autres qui ne se distingue que parce qu’il a été finalement attrapé, jugé et condamné.
Trop peu, trop tard, mais grâce à la pugnacité des Matisson qui seront de leur côté cités comme des exemples, et dont on se souviendra pour qui ils ont été. Ce n’est pas pour rien que la dernière fois que Jean-Marie a parlé de donner le nom de Samuel Paty à des rues ou des écoles, on lui a dit : « Ce n’est pas que le nom de Samuel Paty qu’il faut leur donner, mais aussi le tien »…
N’étant pas maire je me contenterai donc, en plus de cette conférence filmée en janvier 2024, en plus de la rénovation de ce site, de réaliser un documentaire sur le rôle des Matisson dans le procès Papon. Pour eux, pour respecter le vœu de mon arrière-grand-père, mais aussi et surtout pour tout ce que leur combat judicaire a d’exemplaire.
Rappel de l'Universel
L’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde ayant été coupable de crimes contre l’Humanité, sa damnatio memoriae est l’affaire de toutes et tous, mais j’y prends ma part pour des raisons familiales… la preuve s’il en fallait qu’un combat universaliste peut aussi passer par des vengeances personnelles. Et c’est pour rétablir la balance que dans ses conférences, Jean-Marie conclut toujours sur la nécessité d’un antiracisme total, soulignant que la particularité de nos malheurs ne doit pas nous fermer à l’Universel, et que notre colère ne doit être dirigée que contre les criminels – jamais vers le groupe humain auquel ils appartenaient.
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.
M. Manouchian.
Attention donc à ne pas laisser déborder sur quiconque le mépris dans lequel ont tient nos ennemis. Et c’est pourquoi je terminerai cet article en me rappelant que Papon ne fut pas nuisible qu’aux Juifs ; les dizaines de manifestants algériens tués alors qu’il était préfet de Paris en sont témoins – malgré la responsabilité du mouvement historique qu’ils suivaient dans la perte de nos biens, avec leurs familles aussi, nous avons un ennemi commun.
Au même titre que le malheureux Aman le nom de Papon est maudit. Sa personne est effacée et aujourd’hui les Juifs vivent et se battent, l’Algérie est indépendante et fait ce qu’elle a à faire. Le criminel bordelais a échoué dans ses ignobles tâches et dans ses vieux jours, il le savait. Pour masquer ses échecs, sa dernière et pathétique action fut de se faire enterrer avec une Légion d’Honneur qui lui avait pourtant été retirée… mais l’histoire n’a que faire des validations et des procédures d’un moment ; elle se joue sur le temps long et pour elle ce mort ne sera jamais plus qu’un perdant, désavoué par la République et méprisé de toutes les personnes de principes. Que nos ennemis les Aman se souviennent bien de cet exemple : nous n’oublions pas, toujours nous les combattrons et toujours, finalement, nous vivrons.
Clément Elbaz