Comme l’avait prédit Maître Gérard Boulanger, l’histoire de l’affaire Papon est aujourd’hui revisitée —pas pour honorer la vérité ou ceux qui ont permis ce procès historique, non…  le reportage diffusé hier soir sur France 3 en est la preuve. Il présente une version des faits biaisée, à la gloire de deux figures troubles et, selon Maître Alain Levy, complices de la défense de Papon. Deux personnages malfaisants et traîtres aux fondateurs du procès selon Maître Gérard Boulanger. J’ai nommé les Klarsfeld, père et fils.

Un film au parti pris manifeste

Ce que je reproche à ce film ? Pas les images d’archives du procès — elles sont bienvenues et édifiantes. Pas le travail de montage non plus, qui est impeccable. Je lui reproche son biais flagrant : un éloge appuyé aux Klarsfeld, au détriment total de Gérard Boulanger, de Michel Slitinsky et de mon père. Leur rôle, pourtant essentiel et moteur, est ici volontairement occulté ; c’est une falsification pure et simple de l’histoire.
  Je l’ai déjà écrit et je le redis : sans ces trois hommes, l’affaire Papon n’aurait jamais vu le jour.

Une vision idéologique et partiale

  La définition juridique du crime contre l’humanité, à laquelle je souscris pleinement, est claire : toute personne ayant concouru au crime est coupable. Or pour les Klarsfeld le camp des responsables se résume à un auteur, le nazi, et un complice, Vichy. Le reste n’est que rouages sans grande importance… pourtant, une fois le procès lancé, ils s’engagent dans la défense des parties civiles.

  Le documentaire encense deux personnes totalement étrangères à l’origine du procès, qui ont souvent tenté de l’entraver et de plus qui sont aujourd’hui publiquement à l’extrême droite de l’échiquier politique, proches assumés du Rassemblement National, un parti fondé par les héritiers idéologiques de ceux qui furent jugés à Lyon, Bordeaux et Versailles.

Rappel des faits historiques

  Voici, en six points, la preuve que les Klarsfeld ont tenté de saboter le procès :

  -> 1 ->  1983. Les Klarsfeld se joignent à la procédure bien après le dépôt des premières plaintes (qui eut lieu en 1981). Sans consulter les premières parties civiles, qui ont vu leur proches mourir à cause du zèle administratif de l’accusé, ils déclarent sans honte que si Papon présente des excuses, les plaintes seront retirées.

  -> 2 -> En cours de procédure, Klarsfeld père confie à M° Touzet cette phrase hallucinante :

  Il vaudrait mieux que Papon meure pendant l’instruction.

  -> 3 -> Serge K. suggère que le procès ait lieu à Paris, manifestement pour y prendre une place plus centrale… ce à quoi M° Boulanger répondra sèchement : « Oui, Comme Barbie ? » – ce procès, celui d’un criminel nazi, avait eu lieu à Lyon, là où il avait commis ses crimes.

  -> 4 -> Boris Cyrulnik, sollicité à deux reprises pour se constituer partie civile, voit sa demande ignorée par Klarsfeld à deux reprises.

  -> 5 -> 1997. À l’ouverture du procès, Klarsfeld demande à Maître Jakubowicz :

Comment faire pour faire capoter le procès ?

  Devant la surprise de Maître Jakubowicz, il se reprend : « Non, non, laisse tomber, je me suis trompé ».

  -> 6 ->  Et bien entendu, l’un des moments les plus hallucinants du procès : la demande de récusation. Elle fut faite par Arno Klarsfeld, après qu’il ait révélé que le président de la cour d’assise, Jean-Louis Castagnède, a un lien de parenté indirect avec une rescapée des rafles bordelaises sous l’occupation – il s’agit d’Estérina Bénaïm, dont les deux sœurs ont été déportées à partir du camp de Mérignac et qui a épousé l’oncle de Jean Louis Castagnède. Si l’on suivait la logique des Klarsfeld, on aurait dû demander l’annulation de la condamnation d’Eichmann, jugé par un juge juif. Le président de la cour déclare « tomber des nues », et la défense de Papon annonce aussitôt qu’elle accepte les juges qui ont été désignés.
  Arno Klarsfeld annonce, vendredi soir, son intention de déposer une demande de récusation du président de la Cour d’Assises. Ultime coup de poignard des Klarsfeld car si celle-ci avait été obtenue, cela mettait fin au procès. Les autres avocats des parties civiles réagissent très violemment et dénoncent cette manœuvre destinée à casser le procès. Une fois de plus, les Klarsfeld font l’unanimité contre eux.
  Ce que disent nos avocats en coulisse, c’est que les Klarsfeld ne sont pas des avocats professionnels ; ils ne sont des avocats que pour servir leur cause.

Les autres vérités occultées

  En plus du rôle toxique des Klarsfeld, outrageusement falsifié dans ce documentaire, d’autres faits ont été passés sous silence.

  -> Falsifications de nationalités -> Un point central de la culpabilité de l’accusé. En décembre 1997, le juge Jean-Louis Castagnède disait :

Mais enfin, Papon, avec ces falsifications de nationalité, nous sommes au cœur du Crime contre l’Humanité.

  Papon avait en effet trafiqué les nationalités de certains bordelais pour permettre leur déportation – en bon criminel, il ne faisait pas que suivre les ordres, il faisait aussi du zèle.
 Au cours du procès, Gérard Boulanger en donnera de nombreux exemples. En voici deux : « Sur une liste, nous voyons Yunger Lazare, né le 26 mai 1900 à Kalinsky en Hongrie. Il se retrouve dans une autre liste apatride, puis polonais. » – « La réalité, les faits, c’est que madame Gheldmann était hongroise et qu’elle a été déportée en tant que polonaise alors qu’elle n’aurait pas dû l’être. Elle est déportée polonaise pour son plus grand malheur. » 

  -> Catholiques déportés malgré les preuves apportées par les familles -> L’antisémitisme de Papon ne l’empêchait pas de nuire à tous. Maître Lorach le soulignait au cours du procès : « Un exemple concret, c’est madame Rey, catholique qui a été sortie des rangs pour gonfler les chiffres et atteindre le quota de 70 déportés. Heureusement, elle s’en est sortie par miracle et est rescapée. »
  Maître Touzet, lui, évoque la mémoire d’une autre victime non juive de Papon : «… le 10 avril 1943 la SEC [Section d’enquête et de contrôle], qui décidément ne fait pas si mal son travail, conclut que Madame Schinazi et tous ses enfants sont aryens, non Juifs. Ce qui doit entraîner ipso facto la libération de son mari, conformément aux accords Bousquet-Oberg. »

  Pour Papon, qu’importe. Sabatino Schinazi, l’une des 86 victimes du convoi du 25 novembre 1943, sera déporté à Auschwitz et mourra à Dachau le 23 février 1945. L’avocat général Marc Robert rappelle qu’il était de mère catholique, marié à une non-juive, et avait 9 enfants considérés comme aryens. Il s’étonne qu’il n’ait jamais été libéré du camp de Mérignac, où il était détenu depuis juillet 42, malgré les interventions de son épouse.» Papon a voulu sa déportation, qui aurait été évitable selon les lois alors en vigueur.

Le camp de Mérignac. La baraque des Juifs, marquée "E", est au fond.

  -> Personnages clés oubliés -> Aucun mot ou si peu sur Gérard Boulanger, Maurice Matisson et Michel Slitinsky. Leur rôle est détaillé dans mon livre sur le procès. Il est également résumé sur la page Historique de l’affaire.

  -> Manipulation des images -> Le film montre Maître Vuillemin (défenseur de Papon) acclamé après sa plaidoirie. La réalité ? De maigres applaudissements, très loin de l’ovation reçue par M° Alain Jakubowicz. Une mise en scène qui révèle l’orientation très douteuse du reportage.

  -> Ordres d’arrestation -> Rien non plus, dans les 168 minutes de documentaire, sur le fait qu’on ne poursuive Papon que sur les victimes représentées par les parties civiles, ce qui demeure une grosse anomalie du procès de Bordeaux. Toutes les 1597 victimes auraient dû être représentées.
  Jean-Paul Jean, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation et Chercheur associé EPRED Université de Poitiers, déclare lors du colloque Procès Papon, 20 ans après :

Meekel et Matisson au colloque Procès Papon, 20 ans après.

  Il est incompréhensible que les juges n’aient pas étendu les poursuites à toutes les victimes de Bordeaux, et non pas seulement aux 71 victimes représentées par des ayant-droits.

  -> Comparution libre de Papon -> Maître Varaut demande en début d’audience la comparution libre de Maurice Papon. Le film dit que toutes les parties s’y opposent. Pourtant Gérard Boulanger et moi soutenons cette demande, obligeant ainsi Papon à être présent pendant toutes les assises.  Cela a évité de juger une cage de verre vide et a permis de voir Papon sous son vrai visage. De plus, cela a démasqué les Klarsfeld dans leur tentative de saboter le procès – eux se sont opposés à cette demande.

  -> “Résistance” de Papon -> Rien sur le travail de Gérard Boulanger pour prouver que l’appartenance de Papon à la résistance était bidon, basée sur des faux en écriture lors de l’obtention de sa carte de résistance. Gabriel Delaunay, responsable de l’épuration à Bordeaux à la Libération, affirmait pourtant clairement que Papon n’avait jamais été des leurs. Raymond Aubrac et Jean-Pierre Pierre Bloch, dont la parole est incontestable, ont également affirmé que Papon n’était pas résistant, et que face aux crimes que l’administration lui demandait de commettre, il aurait dû pour le moins démissionner dès juin 1942. D’autres sous-préfets l’ont fait.

  -> Insultes et demande de Récusation -> Rien non plus, dans ce reportage décidemment peu exhaustif, sur les insultes permanentes d’Arno Klarsfeld, détaillée ci-dessous. Rien enfin sur la motion votée par les magistrats du siège et du parquet général le 4 février 1998, demandant des poursuites disciplinaires et pénales contre Serge et Arno Klarsfeld pour avoir demandé la récusation du président et l’avoir diffamé avec cette phrase :

Pour vous aussi, il y a des Juifs intéressants.

  Le 16 décembre 1997, Maître Klarsfeld fils s’excuse : « Monsieur le président, je vous ai demandé, hier de montrer les photos de madame Gheldmann, (…) de lire les noms de toutes les victimes de cette rafle de juillet. Vous n’avez pas voulu et j’ai eu pour vous des paroles très dures et je regrette de les avoir tenues. Mais c’était parce que je ne comprends pas votre refus. »
  Le président Castagnède lui répond : « Hier, il est clair Maître Klarsfeld que ce que vous m’avez dit, je l’ai gravé dans mon esprit, ‘pour vous, monsieur le président, il y aussi des Juifs intéressants’. Ce sont des paroles outrageusement inacceptables. Vos regrets viennent à point, à temps. Mais je vous le dis, je ne sais pas si je le prendrai toujours sur moi.»

  À ces prises de position, je rajoute celle de Maître Jean-Serge Lorach, présent à l’une de mes conférences à Paris, et qui a publiquement confirmé son accord total avec mon récit de cette affaire.

Le summum de l'indécence

  Au plus grand regret de tous ceux qui l’ont connu, Maître Gérard Boulanger nous a quitté en 2018. Des nécrologies ont été publiées dans la presse et comme toujours, lorsqu’on parle d’une affaire relative aux Juifs et à la seconde guerre mondiale, les journalistes vont automatiquement vers celui qui a passé toute sa vie à se mettre en avant… au détriment des autres si nécessaire.
  Dans une interview publiée par France Bleue, celui qui s’érige en gardien exclusif de la mémoire de la Shoah déclare : “Gérard Boulanger prônait la perpétuité et moi je considérais qu’une peine de dix ans était appropriée car Papon était un rouage et nous ne pouvions pas prouver que Papon souhaitait la mort des Juifs.

  Pathétique et indigne tentative d’avoir le dernier mot, en prétendant que ce procès qu’il a tenté sans succès de faire annuler s’est terminé selon ses souhaits – sur un verdict qui s’aligne sur une interprétation réductrice du crime contre l’humanité, comme l’a exprimé Maître Raymond Blet.
  Non seulement cette déclaration est fausse, puisqu’il est prouvé que Papon, par son zèle, souhaitait la mort des Juifs (et d’autres), mais elle est aussi hallucinante. Le lendemain de la mort de Gérard, Klarsfeld ose prétendre qu’ils ont coopéré harmonieusement et qu’ils ne se sont séparés que sur la peine à réclamer contre Papon, soit 17 ans d’harmonie et une semaine de désaccord. Alors que Gérard s’est battu et nous a défendu contre lui et tous ceux qui soutenaient Papon depuis l’entrée de Klarsfeld dans la procédure, soit 1983. Quelle indécence… une indécence qui continue avec la tournure de ce reportage, qui reprend le narratif révisionniste des Klarsfeld qui, une fois de plus, tentent d’occuper le devant de la scène.

Conclusion : une réécriture dangereuse

    En conclusion, je regrette que le réalisateur n’ait rien retenu de mes deux heures d’interview, et qu’il ait choisi délibérément les seuls éléments qui allaient dans son sens, celui des Klarsfeld. Peut-être n’a-t-il simplement pas osé contredire le récit doré de celui qui s’est érigé en totem de la lutte mémorielle. Néanmoins, force est de constater qu’il avait tous les éléments en main : dans mon interview, je disais pourtant tout ce qui est évoqué dans cet article.  
  Heureusement, M° Jakubowicz, lui, a su parler vrai au nom des familles des déportés. Mais dans l’ensemble, ce film n’est pas une œuvre historique. C’est une trahison envers ceux qui se sont battus pendant des années pour faire émerger la vérité, et permettre à la justice de la République de juger Papon et à travers lui, Vichy.

  Comme l’avait prédit Maître Gérard Boulanger, l’histoire de l’affaire Papon est aujourd’hui revisitée —pas pour honorer la vérité ou ceux qui ont permis ce procès historique, non…  le reportage diffusé hier soir sur France 3 en est la preuve. Il présente une version des faits biaisée, à la gloire de deux figures troubles et, selon Maître Alain Levy, complices de la défense de Papon. Deux personnages malfaisants et traîtres aux fondateurs du procès selon Maître Gérard Boulanger. J’ai nommé les Klarsfeld, père et fils.

Un film au parti pris manifeste

Ce que je reproche à ce film ? Pas les images d’archives du procès — elles sont bienvenues et édifiantes. Pas le travail de montage non plus, qui est impeccable. Je lui reproche son biais flagrant : un éloge appuyé aux Klarsfeld, au détriment total de Gérard Boulanger, de Michel Slitinsky et de mon père. Leur rôle, pourtant essentiel et moteur, est ici volontairement occulté ; c’est une falsification pure et simple de l’histoire.
  Je l’ai déjà écrit et je le redis : sans ces trois hommes, l’affaire Papon n’aurait jamais vu le jour.

Une vision idéologique et partiale

  La définition juridique du crime contre l’humanité, à laquelle je souscris pleinement, est claire : toute personne ayant concouru au crime est coupable. Or pour les Klarsfeld le camp des responsables se résume à un auteur, le nazi, et un complice, Vichy. Le reste n’est que rouages sans grande importance… pourtant, une fois le procès lancé, ils s’engagent dans la défense des parties civiles.
  Le documentaire encense deux personnes totalement étrangères à l’origine du procès, qui ont souvent tenté de l’entraver et de plus qui sont aujourd’hui publiquement à l’extrême droite de l’échiquier politique, proches assumés du Rassemblement National, un parti fondé par les héritiers idéologiques de ceux qui furent jugés à Lyon, Bordeaux et Versailles.

Rappel des faits historiques

  Voici, en six points, la preuve que les Klarsfeld ont tenté de saboter le procès :

  -> 1 ->  1983. Les Klarsfeld se joignent à la procédure bien après le dépôt des premières plaintes (qui eut lieu en 1981). Sans consulter les premières parties civiles, qui ont vu leur proches mourir à cause du zèle administratif de l’accusé, ils déclarent sans honte que si Papon présente des excuses, les plaintes seront retirées.

  -> 2 -> En cours de procédure, Klarsfeld père confie à M° Touzet cette phrase hallucinante :

  Il vaudrait mieux que Papon meure pendant l’instruction.

  -> 3 -> Serge K. suggère que le procès ait lieu à Paris, manifestement pour y prendre une place plus centrale… ce à quoi M° Boulanger répondra sèchement : « Oui, Comme Barbie ? » – ce procès, celui d’un criminel nazi, avait eu lieu à Lyon, là où il avait commis ses crimes.

  -> 4 -> Boris Cyrulnik, sollicité à deux reprises pour se constituer partie civile, voit sa demande ignorée par Klarsfeld à deux reprises.

  -> 5 -> 1997. À l’ouverture du procès, Klarsfeld demande à Maître Jakubowicz :

Comment faire pour faire capoter le procès ?

  Devant la surprise de Maître Jakubowicz, il se reprend : « Non, non, laisse tomber, je me suis trompé ».

  -> 6 ->  Et bien entendu, l’un des moments les plus hallucinants du procès : la demande de récusation. Elle fut faite par Arno Klarsfeld, après qu’il ait révélé que le président de la cour d’assise, Jean-Louis Castagnède, a un lien de parenté indirect avec une rescapée des rafles bordelaises sous l’occupation – il s’agit d’Estérina Bénaïm, dont les deux sœurs ont été déportées à partir du camp de Mérignac et qui a épousé l’oncle de Jean Louis Castagnède. Si l’on suivait la logique des Klarsfeld, on aurait dû demander l’annulation de la condamnation d’Eichmann, jugé par un juge juif. Le président de la cour déclare « tomber des nues », et la défense de Papon annonce aussitôt qu’elle accepte les juges qui ont été désignés.
  Arno Klarsfeld annonce, vendredi soir, son intention de déposer une demande de récusation du président de la Cour d’Assises. Ultime coup de poignard des Klarsfeld car si celle-ci avait été obtenue, cela mettait fin au procès. Les autres avocats des parties civiles réagissent très violemment et dénoncent cette manœuvre destinée à casser le procès. Une fois de plus, les Klarsfeld font l’unanimité contre eux.
  Ce que disent nos avocats en coulisse, c’est que les Klarsfeld ne sont pas des avocats professionnels ; ils ne sont des avocats que pour servir leur cause.

Les autres vérités occultées

  En plus du rôle toxique des Klarsfeld, outrageusement falsifié dans ce documentaire, d’autres faits ont été passés sous silence.

  -> Falsifications de nationalités -> Un point central de la culpabilité de l’accusé. En décembre 1997, le juge Jean-Louis Castagnède disait :

Mais enfin, Papon, avec ces falsifications de nationalité, nous sommes au cœur du Crime contre l’Humanité.

  Papon avait en effet trafiqué les nationalités de certains bordelais pour permettre leur déportation – en bon criminel, il ne faisait pas que suivre les ordres, il faisait aussi du zèle.
 Au cours du procès, Gérard Boulanger en donnera de nombreux exemples. En voici deux : « Sur une liste, nous voyons Yunger Lazare, né le 26 mai 1900 à Kalinsky en Hongrie. Il se retrouve dans une autre liste apatride, puis polonais. » – « La réalité, les faits, c’est que madame Gheldmann était hongroise et qu’elle a été déportée en tant que polonaise alors qu’elle n’aurait pas dû l’être. Elle est déportée polonaise pour son plus grand malheur. » 

  -> Catholiques déportés malgré les preuves apportées par les familles -> L’antisémitisme de Papon ne l’empêchait pas de nuire à tous. Maître Lorach le soulignait au cours du procès : « Un exemple concret, c’est madame Rey, catholique qui a été sortie des rangs pour gonfler les chiffres et atteindre le quota de 70 déportés. Heureusement, elle s’en est sortie par miracle et est rescapée. »


  Maître Touzet, lui, évoque la mémoire d’une autre victime non juive de Papon : «… le 10 avril 1943 la SEC [Section d’enquête et de contrôle], qui décidément ne fait pas si mal son travail, conclut que Madame Schinazi et tous ses enfants sont aryens, non Juifs. Ce qui doit entraîner ipso facto la libération de son mari, conformément aux accords Bousquet-Oberg. »

  Pour Papon, qu’importe. Sabatino Schinazi, l’une des 86 victimes du convoi du 25 novembre 1943, sera déporté à Auschwitz et mourra à Dachau le 23 février 1945. L’avocat général Marc Robert rappelle qu’il était de mère catholique, marié à une non-juive, et avait 9 enfants considérés comme aryens. Il s’étonne qu’il n’ait jamais été libéré du camp de Mérignac, où il était détenu depuis juillet 42, malgré les interventions de son épouse.» Papon a voulu sa déportation, qui aurait été évitable selon les lois alors en vigueur.

Le camp de Mérignac. La baraque des Juifs, marquée "E", est au fond.

  -> Personnages clés oubliés -> Aucun mot ou si peu sur Gérard Boulanger, Maurice Matisson et Michel Slitinsky. Leur rôle est détaillé dans mon livre sur le procès. Il est également résumé sur la page Historique de l’affaire.

  -> Manipulation des images -> Le film montre Maître Vuillemin (défenseur de Papon) acclamé après sa plaidoirie. La réalité ? De maigres applaudissements, très loin de l’ovation reçue par M° Alain Jakubowicz. Une mise en scène qui révèle l’orientation très douteuse du reportage.

  -> Ordres d’arrestation -> Rien non plus, dans les 168 minutes de documentaire, sur le fait qu’on ne poursuive Papon que sur les victimes représentées par les parties civiles, ce qui demeure une grosse anomalie du procès de Bordeaux. Toutes les 1597 victimes auraient dû être représentées.
  Jean-Paul Jean, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation et Chercheur associé EPRED Université de Poitiers, déclare lors du colloque Procès Papon, 20 ans après :

Meekel et Matisson au colloque Procès Papon, 20 ans après.

  Il est incompréhensible que les juges n’aient pas étendu les poursuites à toutes les victimes de Bordeaux, et non pas seulement aux 71 victimes représentées par des ayant-droits.

  -> Comparution libre de Papon -> Maître Varaut demande en début d’audience la comparution libre de Maurice Papon. Le film dit que toutes les parties s’y opposent. Pourtant Gérard Boulanger et moi soutenons cette demande, obligeant ainsi Papon à être présent pendant toutes les assises.  Cela a évité de juger une cage de verre vide et a permis de voir Papon sous son vrai visage. De plus, cela a démasqué les Klarsfeld dans leur tentative de saboter le procès – eux se sont opposés à cette demande.

  -> “Résistance” de Papon -> Rien sur le travail de Gérard Boulanger pour prouver que l’appartenance de Papon à la résistance était bidon, basée sur des faux en écriture lors de l’obtention de sa carte de résistance. Gabriel Delaunay, responsable de l’épuration à Bordeaux à la Libération, affirmait pourtant clairement que Papon n’avait jamais été des leurs. Raymond Aubrac et Jean-Pierre Pierre Bloch, dont la parole est incontestable, ont également affirmé que Papon n’était pas résistant, et que face aux crimes que l’administration lui demandait de commettre, il aurait dû pour le moins démissionner dès juin 1942. D’autres sous-préfets l’ont fait.

  -> Insultes et demande de Récusation -> Rien non plus, dans ce reportage décidemment peu exhaustif, sur les insultes permanentes d’Arno Klarsfeld, détaillée ci-dessous. Rien enfin sur la motion votée par les magistrats du siège et du parquet général le 4 février 1998, demandant des poursuites disciplinaires et pénales contre Serge et Arno Klarsfeld pour avoir demandé la récusation du président et l’avoir diffamé avec cette phrase :

Pour vous aussi, il y a des Juifs intéressants.

  Le 16 décembre 1997, Maître Klarsfeld fils s’excuse : « Monsieur le président, je vous ai demandé, hier de montrer les photos de madame Gheldmann, (…) de lire les noms de toutes les victimes de cette rafle de juillet. Vous n’avez pas voulu et j’ai eu pour vous des paroles très dures et je regrette de les avoir tenues. Mais c’était parce que je ne comprends pas votre refus. »
  Le président Castagnède lui répond : « Hier, il est clair Maître Klarsfeld que ce que vous m’avez dit, je l’ai gravé dans mon esprit, ‘pour vous, monsieur le président, il y aussi des Juifs intéressants’. Ce sont des paroles outrageusement inacceptables. Vos regrets viennent à point, à temps. Mais je vous le dis, je ne sais pas si je le prendrai toujours sur moi.»

  À ces prises de position, je rajoute celle de Maître Jean-Serge Lorach, présent à l’une de mes conférences à Paris, et qui a publiquement confirmé son accord total avec mon récit de cette affaire.

Le summum de l'indécence

  Au plus grand regret de tous ceux qui l’ont connu, Maître Gérard Boulanger nous a quitté en 2018. Des nécrologies ont été publiées dans la presse et comme toujours, lorsqu’on parle d’une affaire relative aux Juifs et à la seconde guerre mondiale, les journalistes vont automatiquement vers celui qui a passé toute sa vie à se mettre en avant… au détriment des autres si nécessaire.
  Dans une interview publiée par France Bleue, celui qui s’érige en gardien exclusif de la mémoire de la Shoah déclare : “Gérard Boulanger prônait la perpétuité et moi je considérais qu’une peine de dix ans était appropriée car Papon était un rouage et nous ne pouvions pas prouver que Papon souhaitait la mort des Juifs.

  Pathétique et indigne tentative d’avoir le dernier mot, en prétendant que ce procès qu’il a tenté sans succès de faire annuler s’est terminé selon ses souhaits – sur un verdict qui s’aligne sur une interprétation réductrice du crime contre l’humanité, comme l’a exprimé Maître Raymond Blet.
  Non seulement cette déclaration est fausse, puisqu’il est prouvé que Papon, par son zèle, souhaitait la mort des Juifs (et d’autres), mais elle est aussi hallucinante. Le lendemain de la mort de Gérard, Klarsfeld ose prétendre qu’ils ont coopéré harmonieusement et qu’ils ne se sont séparés que sur la peine à réclamer contre Papon, soit 17 ans d’harmonie et une semaine de désaccord. Alors que Gérard s’est battu et nous a défendu contre lui et tous ceux qui soutenaient Papon depuis l’entrée de Klarsfeld dans la procédure, soit 1983. Quelle indécence… une indécence qui continue avec la tournure de ce reportage, qui reprend le narratif révisionniste des Klarsfeld qui, une fois de plus, tentent d’occuper le devant de la scène.

Conclusion : une réécriture dangereuse

    En conclusion, je regrette que le réalisateur n’ait rien retenu de mes deux heures d’interview, et qu’il ait choisi délibérément les seuls éléments qui allaient dans son sens, celui des Klarsfeld. Peut-être n’a-t-il simplement pas osé contredire le récit doré de celui qui s’est érigé en totem de la lutte mémorielle. Néanmoins, force est de constater qu’il avait tous les éléments en main : dans mon interview, je disais pourtant tout ce qui est évoqué dans cet article.  
  Heureusement, M° Jakubowicz, lui, a su parler vrai au nom des familles des déportés. Mais dans l’ensemble, ce film n’est pas une œuvre historique. C’est une trahison envers ceux qui se sont battus pendant des années pour faire émerger la vérité, et permettre à la justice de la République de juger Papon et à travers lui, Vichy.

  Comme l’avait prédit Maître Gérard Boulanger, l’histoire de l’affaire Papon est aujourd’hui revisitée —pas pour honorer la vérité ou ceux qui ont permis ce procès historique, non…  le reportage diffusé hier soir sur France 3 en est la preuve. Il présente une version des faits biaisée, à la gloire de deux figures troubles et, selon Maître Alain Levy, complices de la défense de Papon. Deux personnages malfaisants et traîtres aux fondateurs du procès selon Maître Gérard Boulanger. J’ai nommé les Klarsfeld, père et fils.

Un film au parti pris manifeste

Ce que je reproche à ce film ? Pas les images d’archives du procès — elles sont bienvenues et édifiantes. Pas le travail de montage non plus, qui est impeccable. Je lui reproche son biais flagrant : un éloge appuyé aux Klarsfeld, au détriment total de Gérard Boulanger, de Michel Slitinsky et de mon père. Leur rôle, pourtant essentiel et moteur, est ici volontairement occulté ; c’est une falsification pure et simple de l’histoire.
  Je l’ai déjà écrit et je le redis : sans ces trois hommes, l’affaire Papon n’aurait jamais vu le jour.

Une vision idéologique
et partiale

  La définition juridique du crime contre l’humanité, à laquelle je souscris pleinement, est claire : toute personne ayant concouru au crime est coupable. Or pour les Klarsfeld le camp des responsables se résume à un auteur, le nazi, et un complice, Vichy. Le reste n’est que rouages sans grande importance… pourtant, une fois le procès lancé, ils s’engagent dans la défense des parties civiles.

  Le documentaire encense deux personnes totalement étrangères à l’origine du procès, qui ont souvent tenté de l’entraver et de plus qui sont aujourd’hui publiquement à l’extrême droite de l’échiquier politique, proches assumés du Rassemblement National, un parti fondé par les héritiers idéologiques de ceux qui furent jugés à Lyon, Bordeaux et Versailles.

Rappel des faits historiques

  Voici, en six points, la preuve que les Klarsfeld ont tenté de saboter le procès :

  -> 1 ->  1983. Les Klarsfeld se joignent à la procédure bien après le dépôt des premières plaintes (qui eut lieu en 1981). Sans consulter les premières parties civiles, qui ont vu leur proches mourir à cause du zèle administratif de l’accusé, ils déclarent sans honte que si Papon présente des excuses, les plaintes seront retirées.

  -> 2 -> En cours de procédure, Klarsfeld père confie à M° Touzet cette phrase hallucinante :

  Il vaudrait mieux que Papon meure pendant l’instruction.

  -> 3 -> Serge K. suggère que le procès ait lieu à Paris, manifestement pour y prendre une place plus centrale… ce à quoi M° Boulanger répondra sèchement : « Oui, Comme Barbie ? » – ce procès, celui d’un criminel nazi, avait eu lieu à Lyon, là où il avait commis ses crimes.

  -> 4 -> Boris Cyrulnik, sollicité à deux reprises pour se constituer partie civile, voit sa demande ignorée par Klarsfeld à deux reprises.

  -> 5 -> 1997. À l’ouverture du procès, Klarsfeld demande à Maître Jakubowicz :

Comment faire pour faire capoter le procès ?

  Devant la surprise de Maître Jakubowicz, il se reprend : « Non, non, laisse tomber, je me suis trompé ».

  -> 6 ->  Et bien entendu, l’un des moments les plus hallucinants du procès : la demande de récusation. Elle fut faite par Arno Klarsfeld, après qu’il ait révélé que le président de la cour d’assise, Jean-Louis Castagnède, a un lien de parenté indirect avec une rescapée des rafles bordelaises sous l’occupation – il s’agit d’Estérina Bénaïm, dont les deux sœurs ont été déportées à partir du camp de Mérignac et qui a épousé l’oncle de Jean Louis Castagnède. Si l’on suivait la logique des Klarsfeld, on aurait dû demander l’annulation de la condamnation d’Eichmann, jugé par un juge juif. Le président de la cour déclare « tomber des nues », et la défense de Papon annonce aussitôt qu’elle accepte les juges qui ont été désignés.
  Arno Klarsfeld annonce, vendredi soir, son intention de déposer une demande de récusation du président de la Cour d’Assises. Ultime coup de poignard des Klarsfeld car si celle-ci avait été obtenue, cela mettait fin au procès. Les autres avocats des parties civiles réagissent très violemment et dénoncent cette manœuvre destinée à casser le procès. Une fois de plus, les Klarsfeld font l’unanimité contre eux.
  Ce que disent nos avocats en coulisse, c’est que les Klarsfeld ne sont pas des avocats professionnels ; ils ne sont des avocats que pour servir leur cause.

Les autres vérités occultées

  En plus du rôle toxique des Klarsfeld, outrageusement falsifié dans ce documentaire, d’autres faits ont été passés sous silence.

  -> Falsifications de nationalités -> Un point central de la culpabilité de l’accusé. En décembre 1997, le juge Jean-Louis Castagnède disait :

Mais enfin, Papon, avec ces falsifications de nationalité, nous sommes au cœur du Crime contre l’Humanité.

  Papon avait en effet trafiqué les nationalités de certains bordelais pour permettre leur déportation – en bon criminel, il ne faisait pas que suivre les ordres, il faisait aussi du zèle.
 Au cours du procès, Gérard Boulanger en donnera de nombreux exemples. En voici deux : « Sur une liste, nous voyons Yunger Lazare, né le 26 mai 1900 à Kalinsky en Hongrie. Il se retrouve dans une autre liste apatride, puis polonais. » – « La réalité, les faits, c’est que madame Gheldmann était hongroise et qu’elle a été déportée en tant que polonaise alors qu’elle n’aurait pas dû l’être. Elle est déportée polonaise pour son plus grand malheur. » 

  -> Catholiques déportés malgré les preuves apportées par les familles -> L’antisémitisme de Papon ne l’empêchait pas de nuire à tous. Maître Lorach le soulignait au cours du procès : « Un exemple concret, c’est madame Rey, catholique qui a été sortie des rangs pour gonfler les chiffres et atteindre le quota de 70 déportés. Heureusement, elle s’en est sortie par miracle et est rescapée. »
  Maître Touzet, lui, évoque la mémoire d’une autre victime non juive de Papon : «… le 10 avril 1943 la SEC [Section d’enquête et de contrôle], qui décidément ne fait pas si mal son travail, conclut que Madame Schinazi et tous ses enfants sont aryens, non Juifs. Ce qui doit entraîner ipso facto la libération de son mari, conformément aux accords Bousquet-Oberg. »

  Pour Papon, qu’importe. Sabatino Schinazi, l’une des 86 victimes du convoi du 25 novembre 1943, sera déporté à Auschwitz et mourra à Dachau le 23 février 1945. L’avocat général Marc Robert rappelle qu’il était de mère catholique, marié à une non-juive, et avait 9 enfants considérés comme aryens. Il s’étonne qu’il n’ait jamais été libéré du camp de Mérignac, où il était détenu depuis juillet 42, malgré les interventions de son épouse.» Papon a voulu sa déportation, qui aurait été évitable selon les lois alors en vigueur.

Le camp de Mérignac. La baraque des Juifs, marquée "E", est au fond.

  -> Personnages clés oubliés -> Aucun mot ou si peu sur Gérard Boulanger, Maurice Matisson et Michel Slitinsky. Leur rôle est détaillé dans mon livre sur le procès. Il est également résumé sur la page Historique de l’affaire.

  -> Manipulation des images -> Le film montre Maître Vuillemin (défenseur de Papon) acclamé après sa plaidoirie. La réalité ? De maigres applaudissements, très loin de l’ovation reçue par M° Alain Jakubowicz. Une mise en scène qui révèle l’orientation très douteuse du reportage.

  -> Ordres d’arrestation -> Rien non plus, dans les 168 minutes de documentaire, sur le fait qu’on ne poursuive Papon que sur les victimes représentées par les parties civiles, ce qui demeure une grosse anomalie du procès de Bordeaux. Toutes les 1597 victimes auraient dû être représentées.
  Jean-Paul Jean, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation et Chercheur associé EPRED Université de Poitiers, déclare lors du colloque Procès Papon, 20 ans après :

Meekel et Matisson au colloque Procès Papon, 20 ans après.

  Il est incompréhensible que les juges n’aient pas étendu les poursuites à toutes les victimes de Bordeaux, et non pas seulement aux 71 victimes représentées par des ayant-droits.

  -> Comparution libre de Papon -> Maître Varaut demande en début d’audience la comparution libre de Maurice Papon. Le film dit que toutes les parties s’y opposent. Pourtant Gérard Boulanger et moi soutenons cette demande, obligeant ainsi Papon à être présent pendant toutes les assises.  Cela a évité de juger une cage de verre vide et a permis de voir Papon sous son vrai visage. De plus, cela a démasqué les Klarsfeld dans leur tentative de saboter le procès – eux se sont opposés à cette demande.

  -> “Résistance” de Papon -> Rien sur le travail de Gérard Boulanger pour prouver que l’appartenance de Papon à la résistance était bidon, basée sur des faux en écriture lors de l’obtention de sa carte de résistance. Gabriel Delaunay, responsable de l’épuration à Bordeaux à la Libération, affirmait pourtant clairement que Papon n’avait jamais été des leurs. Raymond Aubrac et Jean-Pierre Pierre Bloch, dont la parole est incontestable, ont également affirmé que Papon n’était pas résistant, et que face aux crimes que l’administration lui demandait de commettre, il aurait dû pour le moins démissionner dès juin 1942. D’autres sous-préfets l’ont fait.

  -> Insultes et demande de Récusation -> Rien non plus, dans ce reportage décidemment peu exhaustif, sur les insultes permanentes d’Arno Klarsfeld, détaillée ci-dessous. Rien enfin sur la motion votée par les magistrats du siège et du parquet général le 4 février 1998, demandant des poursuites disciplinaires et pénales contre Serge et Arno Klarsfeld pour avoir demandé la récusation du président et l’avoir diffamé avec cette phrase :

Pour vous aussi, il y a des Juifs intéressants.

  Le 16 décembre 1997, Maître Klarsfeld fils s’excuse : « Monsieur le président, je vous ai demandé, hier de montrer les photos de madame Gheldmann, (…) de lire les noms de toutes les victimes de cette rafle de juillet. Vous n’avez pas voulu et j’ai eu pour vous des paroles très dures et je regrette de les avoir tenues. Mais c’était parce que je ne comprends pas votre refus. »
  Le président Castagnède lui répond : « Hier, il est clair Maître Klarsfeld que ce que vous m’avez dit, je l’ai gravé dans mon esprit, ‘pour vous, monsieur le président, il y aussi des Juifs intéressants’. Ce sont des paroles outrageusement inacceptables. Vos regrets viennent à point, à temps. Mais je vous le dis, je ne sais pas si je le prendrai toujours sur moi.»

  À ces prises de position, je rajoute celle de Maître Jean-Serge Lorach, présent à l’une de mes conférences à Paris, et qui a publiquement confirmé son accord total avec mon récit de cette affaire.

Le summum de l'indécence

  Au plus grand regret de tous ceux qui l’ont connu, Maître Gérard Boulanger nous a quitté en 2018. Des nécrologies ont été publiées dans la presse et comme toujours, lorsqu’on parle d’une affaire relative aux Juifs et à la seconde guerre mondiale, les journalistes vont automatiquement vers celui qui a passé toute sa vie à se mettre en avant… au détriment des autres si nécessaire.
  Dans une interview publiée par France Bleue, celui qui s’érige en gardien exclusif de la mémoire de la Shoah déclare : “Gérard Boulanger prônait la perpétuité et moi je considérais qu’une peine de dix ans était appropriée car Papon était un rouage et nous ne pouvions pas prouver que Papon souhaitait la mort des Juifs.

  Pathétique et indigne tentative d’avoir le dernier mot, en prétendant que ce procès qu’il a tenté sans succès de faire annuler s’est terminé selon ses souhaits – sur un verdict qui s’aligne sur une interprétation réductrice du crime contre l’humanité, comme l’a exprimé Maître Raymond Blet.
  Non seulement cette déclaration est fausse, puisqu’il est prouvé que Papon, par son zèle, souhaitait la mort des Juifs (et d’autres), mais elle est aussi hallucinante. Le lendemain de la mort de Gérard, Klarsfeld ose prétendre qu’ils ont coopéré harmonieusement et qu’ils ne se sont séparés que sur la peine à réclamer contre Papon, soit 17 ans d’harmonie et une semaine de désaccord. Alors que Gérard s’est battu et nous a défendu contre lui et tous ceux qui soutenaient Papon depuis l’entrée de Klarsfeld dans la procédure, soit 1983. Quelle indécence… une indécence qui continue avec la tournure de ce reportage, qui reprend le narratif révisionniste des Klarsfeld qui, une fois de plus, tentent d’occuper le devant de la scène.

Conclusion :
une réécriture dangereuse

    En conclusion, je regrette que le réalisateur n’ait rien retenu de mes deux heures d’interview, et qu’il ait choisi délibérément les seuls éléments qui allaient dans son sens, celui des Klarsfeld. Peut-être n’a-t-il simplement pas osé contredire le récit doré de celui qui s’est érigé en totem de la lutte mémorielle. Néanmoins, force est de constater qu’il avait tous les éléments en main : dans mon interview, je disais pourtant tout ce qui est évoqué dans cet article.  
  Heureusement, M° Jakubowicz, lui, a su parler vrai au nom des familles des déportés. Mais dans l’ensemble, ce film n’est pas une œuvre historique. C’est une trahison envers ceux qui se sont battus pendant des années pour faire émerger la vérité, et permettre à la justice de la République de juger Papon et à travers lui, Vichy.

Last modified: 19 avril 2025